West-Central Africa

PREMIER ARTICLE de la SERIE : Antonio Monteiro déclare que le juge lui a dit qu’il était innocent

A chronological history of the Togo case based on emerging details

Silver Spring, Maryland, United States | ANN staff

Pasteur Antonio Monteiro est emprisonné depuis plus d’un an maintenant, accusé d’un crime dont il est innocent aux dires de ses dirigeants d’église.

Antonio Monteiro, directeur des Ministères de la Famille pour l’Eglise Adventiste du Septième jour dans l’Union Mission du Sahel, basée à Lomé au Togo, était dans son bureau un jour lorsqu’un homme s’est présenté demandant un travail et de l’argent. Cet homme, Kpatcha Simliya, allait plus tard accuser pasteur Monteiro d’être le cerveau d’un réseau de trafic de sang cherchant à récupérer du sang pour l’utiliser dans des cérémonies religieuses. Plus d’une douzaine de jeunes femmes ont été retrouvées mortes dans la banlieue. Le public voulait que justice soit faite.

En dépit de l’absence de toute preuve de son implication, Antonio Monteiro a été emprisonné le 15 mars 2012 et à la date d’aujourd’hui n’a pas eu de procès. Cinq tentatives d’appels faites par son avocat, l’Eglise Adventiste mondiale ainsi que plusieurs diplomates étrangers n’ont pas réussi à le faire libérer. Les responsables du gouvernement ont fait des promesses aux dirigeants de l’église et aux avocats, mais ne l’ont pas remis en liberté.

Le président du Togo, Faure Gnassingbé, n’a pas accepté l’année dernière de recevoir le président de l’Eglise Adventiste mondiale, Ted N.C. Wilson alors qu’il était en visite pastorale dans le pays.

Parmi les leaders de l’église et ceux qui suivent le cas de pasteur Monteiro, plusieurs pensent qu’il y a plus que ce que l’histoire veut bien révéler. Quelqu’un avait-il besoin d’un bouc émissaire ? Les juges de Lomé ont-ils vraiment le dernier mot, ou alors sont-ils aux ordres du gouvernement pour ce qui est de leurs décisions ?

En effet, dans une déclaration écrite obtenue par ANN, Antonio Monteiro dit que le jour où il a été arrêté, le juge lui a dit à plusieurs reprises en face de son avocat, « pasteur, je sais que vous êtes innocent. Votre dossier est vide. Mais je ne peux vous libérer, vu que cela ne dépend pas de moi. »

Antonio Monteiro s’est interrogé : « Donc de qui cela dépend-il ? »

Aujourd’hui, plus de 16 mois plus tard, de nouveaux détails font surface à propos de l’affaire qui laissent les avocats, les diplomates et les dirigeants de l’église perplexes quant à la manière d’assurer la libération de pasteur Monteiro d’un gouvernement qui viole sa propre constitution en le détenant sans aucune base légale.

Antonio et Madalena se sont mariés en 1984, l’année qui a suivi sa consécration en tant que pasteur Adventiste du Septième jour au Cap Vert.

Antonio et Madalena se sont mariés en 1984, l’année qui a suivi sa consécration en tant que pasteur Adventiste du Septième jour au Cap Vert.

D’après les rapports de police, celui qui l’a accusé, Simliya, avait auparavant avoué le meurtre de jeunes femmes afin d’utiliser leur sang, il a aussi admis avoir entrainé des jeunes femmes dans les bois sur la base de promesses fallacieuses. Simliya a aussi passé du temps en prison après avoir été condamné pour viol ; il a un passé d’instabilité mentale qui est d’ailleurs documenté.

Entre temps, une perquisition policière au domicile de pasteur Monteiro n’a permis de récupérer aucune preuve de sa culpabilité.

Lorsqu’Antonio Monteiro a été incarcéré, les journaux ont déclaré que le criminel coupable avait été attrapé. Certains ont même publié sa photo à côté de coupes de sang.

« Pasteur Monteiro est innocent, un point c’est tout, » a déclaré John Graz, directeur du département des Affaires Publiques et de la Liberté Religieuse pour l’Eglise Adventiste mondiale. « L’accusation outrageuse portée contre Antonio Monteiro c’est que lui, en tant que pasteur Adventiste, a mené une conspiration pour que ces jeunes femmes soient tuées de telle sorte que différentes parties de leurs corps soient utilisées dans le cadre d’une cérémonie religieuse. C’est une accusation absolument incroyable et bizarre. »

« C’est un parfait simulacre de justice, une parodie qui ne serait tolérée dans aucune société de droit, » a affirmé John Graz.

Les responsables de l’église ont continué d’œuvrer tant en public qu’en privé pour faire libérer leur employé. L’Eglise Adventiste mondiale a organisé des veillées de prière internationales pour pasteur Monteiro, a sponsorisé des campagnes d’envoi de courrier aux responsables gouvernementaux et aux diplomates, et a aussi dirigé une collecte de signatures pour une pétition demandant sa libération.

Mais pasteur Monteiro est encore en prison.

La date du 27 juillet marquera 500 jours depuis son arrestation.

Antonio et Madalena sont les parents de quatre enfants.

Antonio et Madalena sont les parents de quatre enfants.

Cette série de quatre articles est basée sur des interviews de sources impliquées dans ce dossier, une déclaration de pasteur Monteiro, des emails, des lettres, des reportages parus dans les journaux, des documents de la police et du tribunal.

Un porte-parole du Ministère de la Justice du Togo a refusé d’exprimer des commentaires dans le cadre de cette série. Simliya est en prison pour des chefs d’accusations diverses, y compris une tentative d'homicide, et n’est pas disponible pour offrir des commentaires.

La mission de Monteiro

Un jour au début de l’année 2011, pasteur Monteiro a reçu un appel transmis par le réceptionniste qui plus tard s’avérera être un tournant dans sa vie. Il était dans son bureau au siège de l’Union Mission du Sahel, un bâtiment de deux étages situé à Lomé, la ville capitale du Togo.

Antonio Monteiro travaille là-bas depuis 2009 après avoir reçu un email de Guy Roger, le président de l’Union, lui demandant de venir servir en tant que directeur du département de l’Ecole du Sabbat et des Ministères Personnels au niveau de l’union.

A l’époque, Antonio Monteiro était pasteur de 25 églises et groupes sur l’Ile de Fogo au Cap Vert. Ce pays lusophone est une nation archipel de 10 iles située à près de 600 kms des côtes de l’Afrique de l’Ouest. Il y est né en 1955.

Antonio Monteiro avec son plus jeune fils Alessandro dans un auto-choc lors d’une fête à Lomé aux environs de 2010.

Antonio Monteiro avec son plus jeune fils Alessandro dans un auto-choc lors d’une fête à Lomé aux environs de 2010.

Après l’école secondaire, pasteur Monteiro a laissé le domicile parental pour fréquenter un séminaire Adventiste au Cameroun. Il est ensuite revenu dans son pays en 1983 pour commencer à travailler en tant que pasteur. Il a épousé Madalena dos Anjos en 1984 et le couple a déménagé au fil des années alors que les administrateurs de l’église lui confiaient de plus grandes responsabilités et de plus grands districts à gérer. Quatre enfants sont nés de l’union de ce couple au cours des années.

Au cours de son ministère, pasteur Monteiro a participé à trois campagnes d’évangélisation à Boston, dans le Massachussetts aux Etats Unis et à d’autres en Guinée Bissau et au Bénin, des pays d’Afrique Occidentale.

L’email de Guy Roger a placé Antonio Monteiro face à une croisée de chemins : soit demeurer en territoire familier et dans le confort de sa maison ou alors aller dans un lieu inconnu pour servir en tant que missionnaire.

Pasteur Monteiro a décidé d’accepter la requête, honoré d’avoir l’opportunité de soutenir le développement spirituel des citoyens du Togo et dans les dix autres pays de l’Union du Sahel. Ce serait un défi, il le savait, la région est en effet le foyer de nombreuses pratiques religieuses y compris de l’une des plus importantes bases mondiales de la pratique du Vaudou.

En dehors de ces préoccupations, il était impatient de partager à plus grande échelle le Christianisme, une religion qui enseigne, il le croit, l’existence d’un Dieu aimant. Sa propre foi et dénomination Adventiste – qui compte maintenant 17 millions de membres dans le monde- lui a inculqué l’importance d’une vie saine et de l’éducation, non seulement pour les membres, mais aussi pour les gens de la communauté qui désirent améliorer leurs propres vie.

Antonio Monteiro est venu au Togo et a servi à la demande de l’Union du Sahel. En 2011, il avait aussi été nommé directeur du département du ministère Adventiste des Missions et du département des Ministères de la Famille.

[Image d'Amber Sarno]

[Image d'Amber Sarno]

Ce jour là au début de l’année 2011, un réceptionniste lui a demandé s’il pouvait recevoir quelqu’un qui désirait parler à un pasteur. Pasteur Monteiro a demandé que l’homme vienne dans son bureau. Il a ensuite fait asseoir Simliya, l’homme qui se présentait sous plusieurs noms différents et qui plus tard l’accuserait de crimes qui conduiraient à son incarcération.

Simliya a dit à Monteiro qu’il n’avait pas de travail, ni d’argent pour le transport et parfois pas suffisamment de nourriture.

« Etes-vous Adventiste ? » lui a demandé pasteur Monteiro.

Simliya a indiqué qu’il était Adventiste et qu’il avait été baptisé par pasteur Eric Mensanvi. Guy Roger, le président de l’union, a plus tard confirmé que Simliya a été baptisé en prison alors qu’il purgeait une peine de prison pour un viol dont il avait été reconnu coupable en 2006.

Antonio Monteiro ne connaissait pas l’histoire de cet homme. Il a invité Simliya à une rencontre d’église et l’a présenté aux anciens de la congrégation et est retourné chez lui.

Plusieurs semaines plus tard, Simliya est revenu au siège de l’union pour le saluer. Pasteur Monteiro lui a demandé : « Alors comment allez-vous ? »

Simliya lui a raconté la même histoire selon laquelle il n’avait pas de travail ni d’argent ni de nourriture.

« C’est vrai, la vie est parfois difficile, » lui a répondu pasteur Monteiro, « mais Dieu pourvoira. »

Au cours des semaines qui suivirent, Simliya est revenu de la même manière plusieurs fois, un jour disant à pasteur Monteiro qu’il avait fait de la prison.

« Je n’ai pas essayé de découvrir ce qui s’était passé, » a plus tard dit pasteur Monteiro. « Je l’ai conseillé en lui disant : ‘maintenant que tu es libre, fais attention et travaille à commencer une nouvelle vie. Que fais tu dans la vie ?’ »

« Je suis chauffeur de taxi, » a répondu Simliya.

« As tu ton permis de conduire ? »

« Oui. »

« Je peux le voir ? »

« Non, je ne l’ai pas sur moi. Je l’amènerai la prochaine fois, » a dit Simliya.

La fois d’après, c’est à dire quelques jours plus tard, Simliya a déclaré que sa licence de chauffeur de taxi avait été volée.

« Cherche la copie alors, » lui a dit Monteiro.

Simliya a abordé un autre sujet. Il a déclaré que Bruno Amah, un membre d’église Adventiste, avait proposé de l’aider à acheter une voiture pour environ 800000 francs CFA (environ 1600 dollars US) ; a indiqué pasteur Monteiro.

« Il [Simliya] m’a demandé de parler à ce frère pour l’aider. Je ne connaissais pas Amah personnellement, mais je lui avait déjà parlé au téléphone au sujet d’une aide » sollicitée par un étudiant en théologie.

Et là, dans le bureau, Simliya a appelé Amah sur son téléphone portable et lui a passé pasteur Monteiro. Au téléphone, Amah a confirmé connaître Simliya. Pasteur Monteiro lui a alors parlé de la requête. Amah a répondu : « Si je peux, je vais l’aider, » a indiqué pasteur Monteiro.

Quelques semaines plus tard, Simliya a appelé pasteur Monteiro pour demander s’il avait des nouvelles d’Amah. Il n’y en avait pas.

Des mois se sont écoulés, du mois d’aout jusqu’au mois de mars 2012, avant que pasteur Monteiro n’entende parler à nouveau de Simliya. Le mardi 13 mars 2012, Simliya est venu au siège de l’union, mais pasteur Monteiro a dit au réceptionniste : « Non, je suis très occupé. » cependant il a brièvement parlé au téléphone à Simliya qui était debout dans le hall d’entrée utilisant le téléphone du réceptionniste. Pasteur Monteiro l'a remercié d'être passé mais lui a indiqué qu'il était occupé ce jour là.

La détention débute

Deux jours plus tard, le 15 mars, la police a fait irruption au domicile d’Antonio Monteiro vers 20h30 et il est arrêté devant sa famille. La police lui dit qu’il est impliqué dans un crime.

« C’est une méprise, » a dit pasteur Monteiro.

Un officier répondit : « N’êtes-vous pas Mr Monteiro ? »

« Oui, » répondit-il, « mais impliqué dans un crime ? Non, » dit-il.

Ils l’emmenent au poste de police où il rencontre Simliya. On demande à pasteur Monteiro s’il connait cet homme. Il répond par l’affirmative et raconte brièvement l’histoire aux policiers.

Trois jours plus tard, un officier dit à Monteiro : « Vous lui avez [Simliya] confié une mission. »

Monteiro demanda : « Quelle mission ? J’ai une mission que j’accomplis depuis 40 ans. Je suis pasteur et ma mission est de prêcher l’évangile. »

Un commandant de police lui dit : « Vous avez commandé du sang humain. »

La police a gardé Antonio Monteiro dans une structure anti-gang dans la station de police pendant 14 jours dans une cellule de 6m sur 4m sans fenêtre. Il était dépouillé de ses vêtements pendant l’essentiel de cette période.

Le 28 mars, il a été présenté au tribunal. Les perquisitions à son domicile, à son bureau et à l’église n’ont produit aucune preuve. Son avocat a demandé l’annulation de la procédure. La requête a été refusée. La demande d’une caution a également été rejetée.

Il est en prison depuis ce moment.

« Il est difficile de savoir ce qui se passe derrière tout cela, » a dit John Graz, le directeur des affaires publiques de la dénomination.

 

Traduction: Patrick Luciathe

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